Les marchants de malheur

En temps normal, nous sommes tous plus ou moins rationnels et restons aussi mentalement alertes que nous pouvons l’être. Mais en temps de panique ou de malheur, nous sommes portés à des comportements plus irrationnels, comme j’ai discuté dans mon dernier article sur l’aspect éthique de la chose. J’aimerais maintenant partager avec vous une vision plus générale de ce processus.

Le processus de panique

Les évènements du 11 septembre dernier, et ceux qui ont suivi, sont une belle illustration de la mentalité du “marchant de malheur”, ou “marchant de chaos”. Le “marchant de malheur” n’est pas nécessairement une personne ou un groupe (bien que certains groupes ont une motivation à le devenir de par leur rôle sociétal). Je parle plutôt d’une attitude traître dans lequel nous tombons souvent, ou tendons à suivre. C’est l’attitude de profiter de la panique ou du malheur des autres pour nos propres fins malhonnêtes.

Quelles sont les méthodes de ces marchants, et que vendent-ils ? Dépendant de leur domaine, ils faussent des données ou études, ils invoquent la panique ou des risques disproportionnés, ils jouent sur nos émotions. En ce faisant, il créent le malheur et s’en nourissent. Leur produit est un confort facile, une mobilisation qui paraît désirable et simple, un ordre établi qui devrait prendre la place du chaos. Mais ces choses n’ont généralement aucune relation avec la réalité.

Prenez l’exemple d’un recruteur travaillant pour un culte. Son action consiste à trouver des gens en difficulté ou émotionnellement secoués, pour leur livrer un message d’espoir, une foi réconfortante, une façon d’utiliser ses énergies pour une “bonne” cause, un ordre divin imposé sur l’univers. Le recruteur se nourrit du malheur des autres : il est d’ailleurs assez bien démontré que plus une société en général est éprouvée, plus la religion est forte.

Le but ultime de ces marchants est de soutenir leur propre existence, rôle et niveau de vie. Pour continuer notre exemple, le cultiste qui recrute une personne malheureuse le fait pour justifier sa valence de cultiste (bien qu’il ne l’exprime pas de cette façon), et il en est motivé par un guru qui, lui, incite ces actions pour hausser son niveau de vie. Il n’y a généralement rien de mal à rechercher notre propre intérêt : en fait, c’est très désirable. Les motivations dont je discute, cependant, sont problématiques parce qu’elles sont malhonnêtes. La personne prudente doit donc rester alerte pour les détecter.

L’exploitation du terrorisme

Même des corporations ou organisations fabriquent quelquefois des paniques pour nuire à un compétiteur. Le récent activisme contre Coca-Cola par les compagnies de lait et groupes activistes sur des bases d’études trompeuses en est le plus récent exemple. Il suffit de prétendre d’avoir des bases scientifiques, tout en les représentant de façon trompeuse, et les fausses croyances sur le sujet seront vite répandues, créant ainsi une panique artificielle.

Certaines fausses représentations peuvent être plus subtiles, comme par exemple les mesures de la pauvreté basées sur des standards relatifs au lieu de standards absolus, créant l’impression que plus de gens sont pauvres qu’il n’y en a vraiment, ou l’idée que l’homme affecte l’environnement de différentes façons, sans mentionner l’étendue relative ou les conséquences de ces effets, pour propager des peurs environmentales.

Malheureusement, les politiciens sont de grands marchants de malheur. En fait, la vaste proportion de leur rôle est basé sur cette pratique. Comme le dit la maxime, “la guerre est la santé de l’état”, et ceci est vrai en général de toute situation négative. Toute crise est, d’un point de vue d’intérêt politique, une occasion de prendre plus de pouvoir. Le produit proposé est une “solution” simpliste au problème – au lieu de comprendre ce qui se passe, il suffit de jeter de l’argent, des lois ou des soldats au problème et il disparaîtra comme par magie.

Le support massif du public aux lois contre la vie privée suivant les évènements du 11 septembre n’en est qu’un autre exemple. Ayant fabriqué une panique, les politiciens s’unissent maintenant pour étendre leur pouvoir contre le citoyen moyen en proposant des solutions faciles. Mais comme l’a dit Benjamin Franklin, “celui qui sacrifie sa liberté pour de la sécurité n’obtiendra généralement ni l’un ni l’autre”.

Comment contrer cette attitude ? Il n’y a pas d’autre solution miracle que de rester alerte, un conseil qui est d’ailleurs applicable dans tous les domaines. Étudier les faits avec attention quand cela est possible, et donner moins de poids aux marchants de malheur qu’aux personnes que l’on juge objectives. Comparativement aux solutions toutes faites, la vérité est généralement beaucoup plus difficile à acquérir, mais l’esprit travaillant et informé peut y arriver éventuellement.