L’émotionnalisme : vertu ou vice ?

Dans le dernier article, j’ai discuté du rôle des émotions. Il faut être à l’écoute de nos émotions, mais il faut aussi ne pas être toujours à l’écoute de nos émotions. Ceci peut sembler contradictoire.

Or, les émotions, comme tout mécanisme mental, sont des outils. Notre imagination est un outil qui nous permet de recombiner nos expériences sensorielles en des formes nouvelles et créatives. Notre mémoire est un outil qui nous permet de nous souvenir d’expériences passées importantes. Sans ces deux outils, la vie quotidienne serait fastidieuse : elle serait une série d’évènements ponctuels et secs, rien de plus.

Nos émotions sont des indices qui expriment des faits mentaux complexes en simples réactions physiologiques. Par exemple, quand notre conscience estime qu’il y a risque de danger imminent, un sentiment de peur ou de fuite s’installe. Quand la situation est propice à notre bien-être, un sentiment de bonheur ou de contentement peut exister. Les émotions sont le mode d’expression de notre conscience : c’est l’outil qui nous permet d’avoir l’opinion de notre conscience face à une situation. Sans cet outil, nos actions seraient moins vivantes, et nous n’aurions plus de guide interne pour nous aider à comprendre les situations d’un point de vue psychologique. Ce serait aussi dommageable que de ne plus ressentir la douleur physique. C’est un signal important que quelque chose ne va pas. Les émotions sont un outil, et comme tout outil il peut être bien ou mal utilisé. Quand nous les utilisons pour en retirer des informations sur nos états de conscience, nous en faisons un usage judicieux. En fait, notre sens de vie est un bon indicateur de la direction dans laquelle nous nous sommes engagés. Quelqu’un de malheureux n’est pas engagé dans une voie propice à son bien-être, et quelqu’un d’heureux est engagé dans la bonne voie.

Donc les émotions, que ce soit des émotions ponctuelles ou notre sens de vie général, sont une boussole importante pour déterminer notre réussite de vie émotionnelle, si on peut l’appeler ainsi – notre succès à maturer et prendre sa place dans le monde parfois trouble dans lequel nous évoluons. Cependant, il y a des mauvaises façons d’utiliser notre baromètre émotionnel. Deux situations en particulier sont une indication de cette tendance : penser que nos émotions sont toujours justifiées en elle-mêmes (sans contexte), et qu’elles sont un guide de la réalité. Malheureusement, les évènements du 11 septembre sont une démonstration éloquente des dangers de cette tendance.

La première conséquence émotionnelle a été de céder à la terreur. Les sentiments de panique qui ont suivi les évènements étaient très disproportionnés. Selon les statistiques, le syndrome de stress post-traumatique dû à l’incident pourrait toucher plus de 70 000 personnes. Ceci indique certainement des choses sur la conscience des gens cependant, de céder à la terreur n’est que valider la cause et les prémisses du terrorisme (la peur, la confusion et l’incertitude).

Cette réaction démesurée s’est vite traduite par la colère. Malheureusement, la colère n’est pas bonne conseillère. Des réactions vives face à des problèmes politiques nous poussent la plupart du temps à adopter des comportements agressifs. Mais ils ne peuvent fonctionner : jeter de l’argent, des lois ou des soldats à un problème pour avoir le sentiment de faire quelque chose ne peut remplacer une compréhension du problème. Mais c’est réconfortant, car notre vengeance est assouvie.

À part d’être conscient de nos émotions et de leurs limites, il existe peu de solutions concrètes pour nous aider à réconcilier notre expérience émotionnelle avec la réalité. Prendre son temps et vivre le moment présent, au lieu de se précipiter tête première dans l’émotionnalisme, est, je pense, le meilleur conseiller de notre conscience.