La complainte des salaires

Le nouveau design du billet de dix dollars illustre bien notre attitude ambigue face à l’argent. Nous recherchons tous l’argent, mais nous l’abhorrons. Alors nous la décorons de symboles altruistes, pour tenter de la rendre plus acceptable.

Comment expliquer autrement ce nouveau design ? Enfin, on peut expliquer la présence de John A MacDonald : il était le premier ministre originel du Canada. Mais il était aussi un farouche opposant du commerce international, et a présidé à l’exécution de Louis Riel, parmi d’autres fait d’armes douteux. L’endos du billet nous révèle une commémoration du jour du Souvenir et du service de maintien de la paix des Casques Bleus. Non seulement est-ce que ces choses n’ont aucune importance nationale (en fait, sont une tache dans l’histoire canadienne), mais sont opposées à la liberté et tout ce qu’elle représente.

La réthorique socialiste est aussi parfaitement infiltrée dans le domaine du sport. J’ai déjà discuté d’un de ces aspects dans mon article “La magouille du sport amateur”, décrivant le nazisme montant du sport au Canada.

L’étendue du sport

Les deux sujets, bien qu’ils semblent à prime abord séparés, se rejoignent dans la complainte populaire des temps modernes contre les salaires. Bien que nous admirons les vedettes de sport, la notion de salaires économiquement justes est décriée de plus en plus en faveur de contrôles. Par exemple, le candidat américan Ralph Nader a proposé, lors des dernières élections, un “salaire maximum”. Évidemment, personne ne veux en expliquer la raison, à part la jalousie.

Pour comprendre les salaires des joueurs, des acteurs, ou de tout haut salarié, il faut comprendre l’étendue de leur marché. La moyenne des revenus d’un club professionnel de baseball est de 100 millions de dollars américains par année. Avec les nouveaux stades et nouvelles sources de revenus à venir, ce chiffre ne devrait que continuer à augmenter. Les droits de télévision et de radio sont aussi en hausse constante, et représentent une moyenne de 79% des revenus annuels (Report of the Independent Members of the Commissioner’s Blue Ribbon Panel on Baseball Economics, Juillet 2000).

Le sport est réservé pour une élite d’excellence. Au baseball, seulement 5% des joueurs des mineurs (jouant à un salaire moyen de 800 $ par mois) atteignent les majeures à chaque année. Au football, le pourcentage qui passe des collèges américains à la NFL est de moins de 0.25%, mais les joueurs collégiaux reçoivent des salaires très intéressants (200 000 $ en moyenne par année).

Bien que les sports professionnels aux États-Unis, par exemple, (si on ne considère que les qutre sports principaux) ne couvrent qu’environ 0.1% du produit national, ce revenu de billets, produits promotionnels et médiatique est géréné par moins de 5 000 athlètes, entraîneurs, et groupes d’employés (Noll, Standford University, 1998). De plus, plus de la moitié des salaires des athlètes les plus reconnus sont dans le domaine publicitaire.

Nous voyons donc pourquoi une critique des salaires des sportifs est mal avisée, en tenant compte de l’étendue du marché. Nous avons un bassin de revenu considérable qui est généré par un petit nombre de personnes : il ne faut donc pas se surprendre que leurs salaires soient élevés. Cette analyse s’applique aussi aux acteurs, et dans une certaine mesure aux autres hauts salariés.

Une ignorance de ces faits n’est pas compréhensible, mais plutôt irritante, quand elle est émise par des soi-disant experts et commentateurs sportifs. De telles personnes devraient avoir un problème moral à travailler dans un domaine qu’ils ne veulent pas sanctionner à tout prix !

C’est ce que j’appelle une arrogance et un élitisme intrusif. Évidemment, d’être élitiste n’est pas un problème. C’est un fait que certains modes culturels, relationnels, sont meilleurs que d’autres. Mais d’imposer un tel jugement sur des goûts subjectifs, comme le divertissement, est au mieux un élitisme intrusif, et au pire, une prétention de divinité.

De telles personne s’écrient : “quelle valeur a le sport pour notre société qu’il soit si important ?”. Mais comme nous avons vu, ce n’est pas que le sport qui est si important, mais aussi l’apport de ses acteurs économiques. J’imagine alors les opposants aux salaires de rétorquer avec le nez levé que les docteurs, ou les travailleurs sociaux, ou les enseignants, ont un rôle social plus important que les athlètes. C’est tout à fait exact, d’un point de vue de valeurs objectives, que la santé ou l’éducation sont des fonctions plus importantes pour l’être équilibré qu’une équipe sportive. Mais cette constatation n’efface pas les facteurs économiques déjà mentionnés. Même si le marché du sport n’est pas aussi important, la concentration de production demeure, par la nature même de ces sports.

Nous devons, en contrepartie, nous opposer au corporatisme sportif, surtout en ce qui regarde la construction de stades. Pour les gouvernements, cette construction est dépendante sur le prestige qu’elle leur apportera, et non sur une véritable demande corporative ou populaire. L’apport net de ces nouveaux stades dans des villes sans avenir est un stade vide et beaucoup d’argent gaspillé. Si un besion de stades existe vraiment, alors la demande réponds.

 

Un joueur de hockey qui gagne son salaire honnêtement, qu’il soit de cent mille ou cent millions de dollars, est beaucoup plus moral et méritoire qu’un docteur ou un chercheur qui reçoit ses fonds du butin des taxes publiques !

 

Non, le vrai problème du sport n’est pas les salaires en tant que tel. Plutôt, ce que nous semblons observer est une série de ligues professionnelles schizophréniques, qui se disputent le pouvoir entre équipes et organisations, et ne semblent pas savoir si elles sont des compagnies ou des regroupements. Les discussions sur les caps salariaux ou les impositions sur les revenus promotionnels n’ont aucune relation avec une organisation solide. Si la ligue est une compagnie, avec les équipes comme des franchises, nous devrions plutôt voir des caps de revenus sur les billets de saison et les retransmissions médiatiques. La vente d’articles promotionnels serait vue comme un bonus de performance (ou plutôt, dans ce cas, de popularité). Si les équipes sont regroupées pour fixer certain standards de jeu et rien d’autre, alors tout discussion de caps ou restrictions est mal avisée.

L’anti-matérialisme qui se contredit

Un salaire est fondamentalement le prix que l’on place sur un service. À moins que le travailleur en question soit un fonctionnaire ou un politicien, dans quel cas il peut taxer les gens pour augmenter son salaire sans avoir à travailler plus fort, le salaire d’une personne est basé sur l’offre et la demande pour le travail qu’il exécute. Et l’offre de l’employeur est inévitablement basé sur les profits, actuels ou potentiels, que ce travail lui retourne. Si un employeur donne un salaire élevé à un travailleur dans n’importe quel domaine, il s’attend à ce que son travail lui rapporte une somme encore plus élevée, à moins qu’il désire plonger son entreprise (au sens large) dans la faillite.

La même chose est vrai pour toute situation d’offre et de demande. Quelqu’un qui achète un produit de luxe ne le fait pas pour gaspiller son argent : il le fait parce que la valeur du bien est pour lui plus grande que celle de l’argent échangé. Les produits de luxe et les salaires élevés ne peuvent proliférer sans une société qui peut se les permettre, ce qui veut dire : une société qui a assez de ressources pour les soutenir.

J’ai fait un peu d’ironie à propos des politiciens. En fait, la réalité est que toute personne dont le salaire dépend de facteurs autres que le libre marché n’est pas payée à sa juste valeur. Cette proposition peut sembler plonger dans la controverse, et je ne me ferai pas d’ami en le disant, mais il faut bien que quelqu’un le dise : un joueur de hockey qui gagne son salaire honnêtement, qu’il soit de cent mille ou cent millions de dollars, est beaucoup plus moral et méritoire qu’un docteur ou un chercheur qui reçoit ses fonds du butin des taxes publiques ! Bien sûr, ceci n’est pas un jugement sur la nature de leur travail, mais sur la nature éthique de leur salaire.

L’offre dépends des revenus anticipés, et ces revenus viennent des consommateurs. J’ai dit précédemment que le jugement contre les salaires est un élitisme intrusif. De déclamer que les salaires des sportifs sont trop élevés est l’équivalent de déblatérer contre chaque personne qui écoute du sport à la radio ou à la télévision, ou qui achète des billets de saison, ou qui achète un chandail, parce que ce sont ces personnes qui fournissent les revenus aux équipes qui découlent de la présence de ces sportifs. Tout amateur de sport devrait critiquer de tels jugements.

Se battre contre la plus grande démocracie du monde, la démocracie du libre-marché, requiert en effet une grande arrogance, mais cela n’empêche pas certaines personnes d’avoir ce que j’appelle le complexe du super-consommateur, c’est-à-dire l’illusion que nos jugements de valeur, quelque soit leur origine, est objectivement valide pour tout le marché. Mais les complaintes sur les salaires vont plus loin – elles ont une saveur franchement anti-matérialiste. Une telle idéologie est contradictoire et absurde, mais plaît aux voix médiatiques qui se régalent de critiquer la richesse et le succès.

Pour discuter brièvement les idées anti-matérialistes, maintenant, pourquoi exactement est-ce que je dis qu’elles sont contradictoires ? Parce que cet anti-matérialisme est vraiment le signe d’une obsession sur le matériel, de considérer l’argent plus important que le sport ou le film lui-même. Pourquoi s’attarder sur les salaires, sinon pour avoir de nouvelles occasions de parler exclusivement d’argent ? On ne discute pas incessamment de quelque chose qui n’est pas important (à moins qu’on en fasse un passe-temps, bien entendu…).

L’argent est un symbole, un mouton noir facile à tirer. Si, en prenant un peu de recul, nous pourrions arrêter de considérer tout ce qui est monétaire comme une tare, et accepter les préférences des autres en ce qui a attrait aux divertissements et tous les autres secteurs de la société, celle-ci ne s’en porterait que mieux, et finalement nous pourrions parler de justice économique.