La médecine à deux vitesses

Embrayage détraqué

Comme le médecin de l’équipe du Canadien, le docteur Vincent Lacroix, a sous-entendu à propos du cas de Koivu, son patient a droit à un traitement de faveur parce qu’il est une célébrité. Un citoyen qui n’a pas un médecin ou infirmière dans sa famille ne peut recevoir de tels traitements.

Un socialiste peut répondre qu’une telle chose est normale, puisque tout système a des ressources limitées. Que les ressources soient limitées, soit : mais un système capitaliste, de par sa nature décentralisée, s’adapte à ces problèmes. Qu’en est-il du modèle canadien ?

La réalité est que les problèmes du système pour les gens ordinaires ne peuvent être expliqués que par le gaspillage inhérent à tout système centralisé. Le délai entre une visite chez un généraliste et un traitement concret tourne autour de 14 semaines, et ces délais augmentent constamment – la moyenne n’était que de 9 semaines en 1993. Une étude faite avec des spécialistes révèle qu’ils croient en moyenne que ces délais sont deux fois plus long que cliniquement raisonnable (Fraser Institute, Annual waiting list survey, 2000).

Les problèmes des urgences débordantes sont aussi bien connues au Québec, mais elles existent partout – par exemple, en janvier 2000, 23 de 25 urgences ont été fermées à Toronto. Et pourtant nous savons aussi les affres de la gestion des lits, et en effet un lit sur cinq est inoccupé.

Comparez maintenant l’efficacité des systèmes canadiens et américains. Les États-Unis ont une médecine mixte, c’est-à-dire que le gouvernement intervient dans le système, sans toutefois le prendre complètement sous son égide. La moitié des fonds de santé viennent du gouvernement, comparativement aux trois-quarts au Canada.

Il est exact que les Américains dépensent beaucoup plus par capita – près du double. Cependant, plusieurs raisons expliquent cette différence. Les système socialisés protègent plus leurs docteurs qu’aux États-Unis, où des sommes faramineuses peuvent être données pour négligeance. La population des États-Unis est aussi plus vieille et plus à risque. Et évidemment, les États-Unis sont un pays beaucoup plus riche, avec les différences de prix qui s’ensuivent, surtout du point de vue des médicaments (même si le Canada prends une moyenne de 13% plus de temps à approuver des nouveaux médicaments).

La qualité réelle des services de santé américains est évidente en comparaison au Canada. Les temps de séjour et les lits par capita sont moins élevés aux États-Unis, pour une quantité plus grande de soins. Dû aux manques budgétaires, les hôpitaux canadiens ont de la difficulté à remplacer l’équipement usagé. Par exemple, le Canada ne possède qu’une poignée de machines à résonance magnétique : plus précisément, selon un rapport fait par le National Center for Public Policy Research en 1991, le Canada n’en comptait que 15 et les États-Unis plus de 2000. Même en tenant compte que le PNB normalisé par capita du Canada est 1/3 plus petit que celui des États-Unis, c’est encore un écart écrasant.

Le résultat est l’exode des médecins et patients que nous connaissons maintenant, les listes d’attente et débordements que nous connaissons, les politiciens graissés dur que nous connaissons. L’expérience de plus de trente ans au Canada est plus que jamais un échec total.

 

Le seul rôle de la médecine socialisée est de détourner de l’argent dans les mains des politiciens, et de manipuler la santé publique.

 

Le rôle du gaspillage

On fait beaucoup de cas des complaintes de bureaucrates face à une possible introduction du libre-marché dans la médecine. “On ne veut pas de médecine à deux vitesses !”, de s’écrier ces rats, debout sur leurs deux pattes de derrière. Pendant ce temps, la population reçoit des files d’attente et des urgences fermées, et les politiciens et célébrités du système vont se faire traiter ailleurs, ou reçoivent des soins de première classe. Tel est la véritable médecine à deux vitesses des gouvernements socialistes

Certes, un système privé ne pourrait pas plus fournir des soins de première classe à tous que n’importe quel autre. Comme je l’ai mentionné, nos ressources de santé, comme toute autre type de ressource sur cette terre, sont limitées. Mais même si on se plaint que les plus riches auraient plus de soins (ce qui n’est que normal), au moins même les plus pauvres recevraient une certaine qualité de soins et la médecine serait économiquement juste.

Au lieu d’être mû par des processus de marché que l’on connaît, les marchés centralisés remplacent l’offre et la demande par deux mécanismes pervers qui sont l’illusion de la gratuité et le rationnement par déprivation. J’ai déjà illustré le phènomène de déprivation au début de cet article. L’illusion de la gratuité, perpétuée par l’assurance-maladie, est évidemment une illusion. Parce que quelqu’un paie pour les salaires des médecins, de l’équipement et des bâtiments. Et d’une manière ou d’une autre, c’est nous. La seule différence est que cet argent est gaspillé par des rats de bureaux peu scrupuleux, au lieu d’aller directement dans les poches des hôpitaux ou docteurs.

Le consensus politique semble être plutôt que le capitalisme serait une honte, et que le système manque simplement de financement. Même si l’on ignore ou écarte les arguments politiques contre une telle maneuvre, et présumant que tous étaient d’accord pour l’usage de leur argent volé de cette façon, cette option est encore peu attrayante. En fait, il n’a pas encore été prouvé que de telle sommes serviraient à améliorer le système – les provinces au financement le plus fort par personne n’ont aucun avantage de délais. Et le financement de plus en plus grand n’empêche pas l’augmentation constante des temps d’attente, notamment de 23% durant les deux dernières années (Fraser Institute, Septembre 2001).

Une des hypothèses avancées par le Dr. John Goodman, du National Center for Policy Analysis, pour expliquer ce manque d’avancement est une simple question de proportions. Il est estimé que moins de 5% des patients dans un système de santé donné nécessitent la moitié des ressources. C’est une énorme disproportion, mais qui est explicable par la présence de cas lourds.

Dans un système capitaliste, il existerait des hôpitaux ou mécanismes spécifiques pour combler cette demande, car elle serait très profitable. Mais dans un système motivé par les votes, beaucoup moins de motivation existe pour les politiciens de dépenser la moitié de leur budget de santé pour un très faible pourcentage de leur électorat. De ce fait, le schème de pensée bureaucratique demande le moins d’investissement possible dans les nouvelle technologies.

Oui, un financement plus grand pourrait être utilisé pour “améliorer” le système. Cependant, non seulement n’est-il pas sûr que l’argent servira effectivement à l’amélioration, mais cela ne fait qu’encore plus d’argent volé gaspillé. Les défauts de structures, défauts de motivations et autres désavantages inhérents à tout système centralisé y voient.

Même un système canadien financé parfaitement ne pourrait faire plus que tout système libre pourrait faire. Le seul rôle de la médecine socialisée est de détourner de l’argent dans les mains des politiciens, et de manipuler la santé publique. Comme je l’ai souligné, la motivation du système est la popularité et les votes, et non la santé individuelle – le bien des politiciens, et non pour le bien des patients.

Nous devons être attristé par les cas de cancer et autres maladies graves qui nous affligent à chaque année. Mais nous ne devons pas oublier la lesson qu’ils nous apprennent – laisser nos institutions les plus vitales entre les mains de politiciens ne causent que des problèmes.