Qu’est-ce que le Redico ?

Qu’est-ce que le Redico ?

Bonne question.

Le mot est un acronyme. Il signifie REcherche des DIscontinuités entre les COnclusions (ou entre les COnvictions). On l’appelle aussi DMDI (pour Détordage Mutuel Des Idées) mais ça se prononce moins bien.

C’est à la fois un jeu et un mode (méthodique et articulé) de discussion. L’idée est de cesser d’argumenter en glissant style libre, bourré de rhétorique et de faux-fuyants; et de passer aux choses sérieuses. Mettre des dents aux engrenages et un échiquier sous les pièces. Discuter pour vrai, quoi !

En Redico (qui se joue à deux joueurs ou plus), on essaie de détordre les désaccords d’opinion en s’échangeant des propositions à évaluer. Pas des questions, plutôt des affirmations. Et on se dit ce qu’on en pense en les évaluant de 0% à 100%. S’il s’agit d’une question de fait (i.e. c’est vrai ou c’est faux), chacun déclare sa probabilité subjective que la proposition soit vraie.

Exemple : Le plus récent ancêtre commun entre Denis et sa chatte vivait durant le Crétacé.
Denis : 60% | Quivoudra : ?

Si la proposition à évaluer est plus floue et déborde sur les affaires de goût ou d’opinion, on indique une sorte de “degré global d’accord”. Voir la Loi 14, plus loin.

Exemple caricatural : Les frites sont meilleures avec du vinaigre.
Denis : 0.1% | Quivoudra : ?

Par commodité, chacun note ses propositions avec son initiale. Par exemple, celles de Zéphyrin sont notées Z1, Z2, etc. Ces propositions sont livrées par “salves” par les joueurs, idéalement à tour de rôle, mais pas nécessairement. (voir Loi 5)

Quand deux personnes sont en désaccord au sujet d’une certaine proposition, c’est rarement pour les mêmes raisons. Il convient alors de savoir si elles sont d’accord sur ces diverses raisons antécédentes (sont-ce des faits?), puis sur les raisons de ces raisons, etc.

Les deux personnes ne sont certainement pas en désaccord sur tout.

Dans l’espace abstrait des “propositions intéressantes”, il y a donc, grosso modo, le pays de l’accord et le pays du désaccord. Après avoir planté quelques piquets~propositions dans le pays de l’accord et quelques autres dans le pays du désaccord, chacun essaie (par ses prochaines propositions) de promener le mieux possible sa “loupe mentale” aux alentours du mi-chemin entre les deux pays. Chacun essaie de cartographier les contours de la frontière étrange où nos opinions se détachent. D’où le nom du jeu : REcherche des DIscontinuités entre les COnclusions.

xxxxxxxxxxxxxx LOIS DU REDICO (version 7 novembre 2004) xxxxxxxxxxxxx

Loi 1 : En REDICO, on n’argumente pas.

Loi 2 : En REDICO, ça va beaucoup mieux si ce n’est pas toujours le même qui émet les propositions.

Loi 3 : En REDICO, le proposeur évalue le premier ses propres propositions.

Loi 4 : En REDICO, les meilleures propositions sont les plus concises.

Loi 5 : En REDICO, pas plus de 8~10 propositions par salve. Dans une partie à 3 joueurs ou plus, pas plus de 3~4 propositions par salve. Ces bornes sont plus des recommandations floues que des limites strictes.

Loi 6 : En REDICO, pas plus de 1000 bytes (borne floue) de bla bla entre les propositions, à moins que ce soit des commentaires techniques.

Loi 7 : En REDICO, si une proposition contient un URL de plusieurs milliers de bytes, on doit indiquer où se trouve le bout le plus pertinent.

Loi 8 : En REDICO, quand on suspend l’évaluation d’une proposition, on en émet une autre portant sur la raison qui nous a empêché d’évaluer la première.

Loi 10 : En REDICO, mieux vaut émettre deux propositions séparées plutôt qu’une proposition double.

Loi 11 : En REDICO, quand un joueur abandonne la partie, il le déclare. (Raison : alléger la tenue de livre, dans un Redico à plusieurs)

Loi 12 : En REDICO, autant que possible, les propositions doivent être claires et autosuffisantes. Si, dans la proposition, on se réfère à des propositions déjà au dossier, on en indique les numéros.

Loi 13 : En REDICO, tout nouveau joueur qui se joint à une partie déjà en cours doit évaluer toutes les propositions déjà au dossier. (Facultatif si le dossier est énorme).

Loi 14 : En REDICO, quand une proposition est “question de fait”, chacun évalue au mieux la probabilité (subjective) que ce prétendu fait soit vrai. Si la proposition à évaluer est plus floue et déborde sur les “questions de goût ou d’opinion”, on indique une sorte de “degré global d’accord”.

Loi 15 : En REDICO, tout joueur peut librement modifier ses évaluations passées.

Loi 16 : En REDICO, il n’y a pas de cantons tabous.

Loi 17 : En REDICO, il vaut mieux éviter les formulations en “X est possible” ou “X est impossible”. Mieux vaut évaluer directement X. Si on le pense impossible, on met 0%. Si on le pense possible, on met > 0%.

Loi 18 : En REDICO, s’il arrive qu’un joueur sente le besoin de commenter son évaluation d’une proposition, ce commentaire doit être concis. Maximum deux lignes.

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Voici, pêle-mêle, quelques caractéristiques du Redico qui, selon moi, le rendent supérieur au vaseux style libre pour arriver à un détordage (mutuel) efficace des idées :

Caractéristique 1- Le Redico permet beaucoup mieux que le style libre d’obtenir des réponses claires de l’autre.

Caractéristique 2 – Dans une discussion en style libre, on reçoit rarement des réponses. Le plus souvent, ce sont plutôt des répliques.

Caractéristique 3- En Redico, plus de détestables “Ça fait 10 fois que je vous demande si…”, ni de “Ça fait 10 fois que je vous dis que…”

Caractéristique 4- Le Redico permet moins que le style libre de cacher sa mauvaise foi derrière des effets de style.

Caractéristique 5- Une discussion en style libre où l’un des deux est de mauvaise foi peut aisément durer des mois et des mois et des mois, sans réel progrès. On tourne en rond. Par contre, un Redico où l’un des joueurs est de mauvaise foi dépasse rarement 10 salves.

Caractéristique 6- En style libre, un protagoniste coincé se met presque toujours à insulter. En Redico, un protagoniste coincé abandonne habituellement la partie. Plus de détestables “Espèce de ¶§#@¾&”.

Caractéristique 7- En Redico, chacun est pratiquement obligé de tenir compte de ce que dit l’autre. En style libre, on choisit, on évite, on zigonne.

Caractéristique 8- Dans un Redico, toutes les propositions (numérotées) restent actives au dossier. Il est beaucoup plus facile qu’en style libre de faire des références croisées et de mettre le doigt sur d’éventuelles contradictions.

Caractéristique 9- Le Redico vise expressément à ÉVITER les démonstrations et les raisonnements argumentés. Il met le focus directement sur les conclusions.

Caractéristique 10- En Redico, les démonstrations et les raisonnements sont “entre” les propositions, et sont laissés à la discrétion (et à l’intelligence) de chacun.

Caractéristique 11- En Redico, la transmission d’information pertinente peut se faire adéquatement via les Lois 6 et 7.

Caractéristique 12- En Redico, plus de “dumpings massifs”. Chacun doit défendre sa cause lui-même (avec ses moyens du bord) sans se faire paresseusement remplacer par un champion extérieur aussi volubile qu’ininterrompable. (Voir Loi 7)

Caractéristique 13- Pour qu’une démonstration soit convaincante, elle doit s’appuyer sur des points d’accord. En Redico, on sait beaucoup mieux qu’en style libre quels sont les points d’accord et les points de désaccord.

Caractéristique 14- Plus le “contraste de torsion” entre les participants est grand, plus le Redico est supérieur au style libre pour arriver rapidement au coeur du différend.

Caractéristique 15- En Redico, nul ne peut forcer son ordre du jour, ni son itinéraire. Tous les joueurs ont également les mains sur le volant et peuvent, à leur tour, salver où bon leur semble.

Caractéristique 16- Autant en Redico qu’en style libre, on ne peut convaincre quelqu’un qui se fout d’être cohérent.

Caractéristique 17- Autant en Redico qu’en style libre, on ne peut convaincre quelqu’un qui est moins tordu qu’on l’est soi-même.

Caractéristique 18- Le Redico est un jeu de “qui perd gagne”. Le véritable gagnant est celui qui s’est le plus détordu.

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Bon. En guise de conclusion, je salve :

D1 : Le Redico est la plus grande invention depuis l’imprimerie.
Denis : 20% | Quivoudra : ?